36. Pénibilité au travail



La pénibilité est définie par l'exposition des salariés à l'un des 10 facteurs de risques professionnels définis de façon réglementaire et regroupés dans 3 catégories (activités en milieu hyperbare, travail de nuit, travail répétitif, travail en équipes successives alternantes, bruit, températures extrêmes, manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, risques chromiques).

Dix facteurs de risques professionnels

Les facteurs de risques professionnels (au nombre de 10) sont listés. Ils ne sont pas réellement modifiés par rapport à ce qui existait jusqu’à présent :



Les seuils associés aux facteurs de risque sont fixés de la façon suivante :

Au titre de l'environnement physique agressif



Au titre de certains rythmes de travail



Ces dispositions s’appliquent à partir du 1er janvier 2019.

Accord en faveur de la prévention des effets de l’exposition à certains facteurs (au moins 50 salariés)

Actuellement, les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe de cette taille, employant une proportion minimale fixée par décret de ces salariés, doivent être couvertes par un accord ou un plan d’action établi après avis du CE ou, à défaut des DP sur la prévention de la pénibilité. Elles peuvent aussi être couvertes par un accord de branche étendu conforme à un décret.

À partir du 1er janvier 2019, est prévue la négociation d’un accord « sur la prévention des effets de l’exposition des facteurs de risques professionnels ». Cet accord concernera toujours les 10 facteurs existants. Sa négociation devra se dérouler :

  • Soit lorsque sont employés au moins 25 % de salariés exposés aux 6 facteurs de risques retenus pour le C2P (et non 10 : travail en milieu hyperbare, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, températures extrêmes, bruit)
  • Soit – nouveauté – lorsque la sinistralité au titre des AT-MP est supérieure à 0,25. Cet indice de sinistralité est égal au rapport, pour les 3 dernières années connues, entre le nombre d’AT/MP imputés à l'employeur (hors accidents de trajet), et l'effectif de l'entreprise

À défaut d’accord, un plan d’action pourra être arrêté après avis du futur comité social et économique (CSE).

Les entreprises de moins de 300 salariés n’auront pas l’obligation de conclure d’accord ou de plan d’action si elles sont couvertes par un accord de branche étendu comportant une liste de thèmes définis par décret.

L’accord ou le plan d’action devra ainsi comporter 2 des 3 thèmes suivants :

  • Réduction des poly-expositions
  • Aménagement et adaptation du poste de travail
  • Réduction des expositions aux 10 facteurs de risques

Il doit également traiter au moins 2 des thèmes suivants :

  • L'amélioration des conditions de travail, notamment sur le plan organisationnel
  • Le développement des compétences et des qualifications
  • L'aménagement des fins de carrière
  • Le maintien en activité des salariés exposés aux 10 facteurs de pénibilité

Pour ces thèmes, l'accord ou le plan d'action doit préciser les mesures de nature à permettre aux titulaires d'un C2P d'affecter les points qui y sont inscrits, pour demander :

  • La prise en charge d'une action de formation
  • Ou le financement du complément de sa rémunération en cas de réduction de la durée de travail

La pénalité encourue est toujours de 1 % maximum des gains et rémunérations versés aux travailleurs concernés pendant les périodes où l’entreprise n’est pas couverte par un accord.

Obligation déclarative de l’employeur sur l’exposition de ses salariés

Jusqu’à présent la déclaration de l’employeur portait sur les 10 facteurs d’exposition existants. Depuis le 1er octobre 2017, la déclaration des facteurs relatifs aux contraintes physiques n’est plus imposée, de même que la déclaration des agents chimiques dangereux.

Concrètement il reste donc 6 facteurs de pénibilité à déclarer :

  • Les activités exercées en milieu hyperbare
  • Les températures extrêmes
  • Le bruit
  • Le travail de nuit
  • Le travail en équipes successives alternantes
  • Le travail répétitif

Comme auparavant, pour déterminer l’exposition de ses salariés l’employeur peut utiliser un accord de branche étendu ou un référentiel professionnel de branche homologué.

Compte professionnel de prévention : gestion et nouveau nom

Le compte personnel de prévention de la pénibilité est rebaptisé compte professionnel de prévention.

À partir du 1er janvier 2018, sa gestion est assurée par la CNAM des travailleurs salariés et le réseau des organismes de la branche AT/MP du régime général, et non plus par la CNAV. La CNAM peut déléguer par convention ses fonctions.

Acquisition et utilisation des droits pénibilité

Désormais, des points ne peuvent être acquis que pour les facteurs mentionnés par l’employeur lors de la déclaration.

Comme auparavant, les points peuvent être utilisés de 3 façons :

* La prise en charge de tout ou partie des frais d'une action de formation professionnelle continue en vue d'accéder à un emploi non exposé ou moins exposé aux facteurs de pénibilité

* Pour compléter sa rémunération en cas de réduction de sa durée de travail

* Pour financer la majoration de durée d'assurance vieillesse et d'un départ en retraite avant l'âge légal de départ en retraite de droit commun

Financement du compte professionnel de prévention

Les règles de financement du compte pénibilité sont complètement revues. Jusqu’à présent, ce financement était assuré par un fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité. Ce fonds était financé par des cotisations versées par les employeurs au titre de la pénibilité : une cotisation de base et une cotisation additionnelle due lorsqu’au moins un des salariés était exposé à la pénibilité.

À partir du 1er janvier 2018 ces cotisations sont supprimées de même que le fonds.

Attention : Pour le dernier trimestre 2017, la cotisation additionnelle est due par les seuls employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés aux 6 facteurs de risques professionnels. Seuls les gains et rémunérations des salariés exposés à ces 6 facteurs sont pris en compte dans le calcul du montant de cette cotisation.

Les dépenses engendrées par le compte professionnel de prévention et sa gestion seront couvertes par la branche accidents du travail et maladies professionnelles selon des modalités qui seront fixées par décret. Tous les biens du fonds seront transférés à cette branche dès 2018.

Entrée en vigueur

L’ordonnance entre en vigueur normalement au 1er octobre 2017 mais il existe de nombreuses exceptions, concernant notamment tout ce qui a trait à la gestion et au financement du compte, qui n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2018.

Les dispositions relatives aux accords à négocier s’appliquent au 1er janvier 2019.

Enfin, pour les expositions aux facteurs de risques professionnels au titre des années 2015, 2016 et des 3 premiers trimestres 2017, certains articles du Code du travail restent applicables dans leur rédaction intérieure à l’ordonnance : sur les 10 facteurs de risque, l’ouverture, l’utilisation et la gestion du compte et sur le financement.

Important : Les points acquis au titre du C3P qui n’ont pas été utilisés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance sont transférés sur le compte professionnel de prévention.

Suivi individuel renforcé : une visite médicale avant la retraite

Sont concernés par cette visite médicale avant leur départ en retraite, les salariés qui bénéficient d’un suivi individuel renforcé ou qui ont bénéficié d’un tel suivi au cours de leur carrière professionnelle.

Cet examen médical vise à établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels auxquelles a été soumis le salarié.

Le médecin du travail aurait alors la faculté, s’il constate une exposition du salarié à certains risques dangereux (notamment aux agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées), de mettre en place une surveillance post professionnelle en lien avec le médecin traitant.

Attention : Les modalités d’application de ces mesures seront prévues par décret.

Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention

Décret n° 2017-1769 du 27 décembre 2017 relatif à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention, Jo du 28

Décret n° 2017-1768 du 27 décembre 2017 relatif à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention, Jo du 28

Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, Jo du 31

Questions / Réponses

Quels seront les effets de cette réforme sur la prévention ?

L'exclusion des 4 facteurs de risques du compte de prévention, pourrait se traduire par moins de prévention dans la mesure où les employeurs ne seraient plus incités à mettre en place des mesures de protection visant à réduire l'intensité ou la durée d'exposition des salariés. De plus, la suppression de la cotisation pénibilité spécifique affaiblit le principe pollueur - payeur, ce qui n'est pas favorable à la prévention. Cette cotisation comprenait 2 étages : Un socle payé par l'ensemble des entreprises, au nom de la solidarité interprofessionnelle, et une cotisation additionnelle appliquée à réduire le niveau d'exposition de leurs salariés.

Est-ce que la gestion médicalisée des effets de la pénibilité est assouplie ?

Oui, la condition de 17 ans d'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques pour bénéficier d'un départ en retraite anticipé à 60 ans en cas de taux d'incapacité permanente comprise entre 10 et 20 % est supprimée pour les 4 facteurs.

Pour les autres, cette durée sera fixée par décret.

Par ailleurs, il y aura désormais un abondement de 500 heures du compte personnel de formation pour les victimes atteintes d'une incapacité supérieure ou égale à un taux qui sera déterminé à partir du 1er janvier 2019.

Est-ce que le dispositif global est vraiment simplifié ?

Pour les entreprises, oui puisqu'elles n'auront plus à déterminer l'exposition des salariés à 4 facteurs de risques.

Du point de vue de la lisibilité et de la cohérence du dispositif, la simplification n'est pas évidente puisque le dispositif reposera désormais sur des accords d'entreprises sur la prévention qui concerneront les 10 facteurs de risques, le compte de prévention qui n'en concernera que 6, la gestion médicale qui concernera les 10, mais avec des conditions différentes pour les 4 facteurs et pour les 6. A cela, s'ajoute une réflexion annoncée sur le risque chimique qui pourrait déboucher sur un dispositif de prévention spécifique, mais l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale 2018 prévoyant la remise d'un rapport a été censuré par le Conseil Constitutionnel.