20. La restructuration du paysage conventionnel



Accélération de la restructuration des branches professionnelles

Sujet déjà abordé par les lois précédentes, les ordonnances renforcent le processus de restructuration des branches professionnelles en avançant d’un an la date à laquelle le ministre du Travail pourra prononcer la fusion des branches qui n’ont pas négocié depuis août 2009 et en faisant passer le critère de taille (branches comptant moins de 5 000 salariés) du domaine réglementaire à la loi. Les branches ont donc jusqu’en août 2018 pour opérer les rapprochements nécessaires. A défaut, le ministre engagera la procédure de fusion à compter de cette date. Cette restructuration s’ajoute aux processus de négociation qui vont s’ouvrir dans les branches en application des ordonnances.

L’ordre public conventionnel

La Loi Travail imposait aux branches de négocier leur ordre public conventionnel dans un délai de 2 ans, soit d’ici août 2018. L’objet de cette négociation était de déterminer, pour chaque branche, les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne pouvaient être moins favorables que les accords de branche (à l’exclusion de la durée du travail, des repos et des congés, thèmes pour lesquels la loi Travail prévoyait la primauté de l’accord d’entreprise). Cette obligation est désormais supprimée puisque les ordonnances imposent ces thèmes (Cf. Fiche 20). Cela ne fait donc plus partie des missions de la branche, ni des critères que le ministre du travail peut retenir pour décider la fusion de branches dans le cadre de leur restructuration. Néanmoins, la négociation de branche garde toute son importance car si les thèmes de l’ordre public conventionnel ne peuvent plus être fixés librement, leur contenu reste une prérogative de la branche.

Restrictions à l’extension des accords de branche

Pour mémoire, la procédure d’extension permet de rendre obligatoires les dispositions d’une convention collective de branche à tous les salariés et employeurs compris dans son champ d’application, par un arrêté d’extension du ministre du Travail. En France, c’est un élément clé pour la définition des conditions de travail des salariés.

L’ordonnance n°2017-1388 du 22 septembre 2017 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective renforce l’encadrement des extensions d’accords de branche :

* Désormais, le ministre du Travail peut refuser l’extension d’un accord collectif pour des motifs d’intérêt général notamment pour atteinte excessive à la libre concurrence.

* Nouvelle prérogative, le ministre du Travail pourra, de sa propre initiative ou à la demande d’une organisation patronale ou syndicale concernée par l’extension d’un accord, saisir un groupe d’experts chargé d’en apprécier les effets économiques et sociaux. Ce groupe d’experts est composé de cinq personnalités nommées pour 4 ans par le ministre du Travail (Cf. Décret n° 2017-1689 du 14/12/2017 sur les règles de fonctionnement du groupe d’experts).

* Le ministre pourra étendre les clauses d’un accord de branche sous réserve de la conclusion d’un accord d’entreprise complémentaire. Autrement dit, la loi autorise le ministre à étendre des clauses conventionnelles incomplètes en subordonnant leur entrée en vigueur à l’existence d’un accord d’entreprise prévoyant les dispositions manquantes, dispositions pour lesquelles il ne sera donc pas en mesure d’apprécier la conformité avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur.

Toutes ces mesures, qui s’appliquent aux conventions et accords conclus à compter du 1er janvier 2018, visent à limiter les « entraves à la libre-concurrence » au sein des branches (et répondent en cela aux recommandations formulées par l’OCDE dans une note de juillet 2017), notamment en permettant à de petites entreprises comme les start-ups d’entrer plus facilement sur un marché en s’affranchissant des règles posées par la convention collective de branche.

Les restrictions aux extensions des accords de branche ne seront pas sans conséquence pour les salariés. En effet, lorsqu’un accord de branche n’est pas étendu, ses dispositions ne s’appliquent qu’aux salariés des entreprises appartenant aux organisations patronales signataires de l’accord de branche. Les salariés des entreprises non-signataires ne peuvent alors pas bénéficier des droits définis dans la convention collective de branche.

Vers un droit du travail spécifique pour les petites entreprises

Désormais, pour être étendu, un accord de branche doit, sauf justifications, comporter des dispositions spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés. Elles peuvent prendre la forme d'accords types indiquant les différents choix laissés à l'employeur, que celui-ci pourra appliquer au moyen d’un document unilatéral indiquant les choix qu’il a retenus après en avoir informé les délégués du personnel, s'il en existe dans l'entreprise, ainsi que les salariés. Ces dispositions spécifiques pour les petites entreprises peuvent porter sur l'ensemble des négociations prévues par le Code du travail.

L’impact majeur de ces mesures, couplées à celles facilitant la négociation sans délégué syndical (Cf. Fiche 23) et à celles facilitant la procédure de licenciement et réduisant les indemnités prud’homales (Cf. Fiches 29 et 30), concerne les petites entreprises. Le risque d’un droit du travail à plusieurs reprises est réel. Au-delà de la taille de l’entreprise, c’est aussi sa position dans la chaîne de valeur (en particulier pour les entreprises, même de taille intermédiaire, sous-traitantes de grands groupes) qui pourra exposer ses salariés à des phénomènes de dumping social.