23. La négociation obligatoire d’entreprise et de branche



Désormais, un accord collectif peut prévoir que les négociations obligatoires ne se tiennent plus que tous les 2, 3 ou 4 ans (voire 5 ans pour certains thèmes dans la branche). L’ordonnance élargit le dispositif instauré par la loi Rebsamen en 2015 (les 3 blocs de négociation), en permettant de négocier non seulement la périodicité des négociations obligatoires mais aussi les thèmes, le contenu des sujets et les modalités de négociation. Une grande latitude est laissée aux entreprises et la traditionnelle NAO (négociation annuelle obligatoire) qui rythmait les relations sociales dans bien des entreprises peut perdre son caractère annuel. A défaut d’accord, les dispositions légales, devenues désormais supplétives, s’appliquent. Il devient d’autant plus important pour les organisations syndicales d’avoir une approche globale entre ces négociations obligatoires et les informations consultations récurrentes du comité social et économique (qui peuvent dorénavant elles-mêmes être négociées, Cf. Fiche 9), pour construire une stratégie et trouver les moyens de la déployer.

L’essentiel de l’ordonnance n°2017-1385 du 22/09/2017 relative au renforcement de la négociation collective

Les chapitres du Code du travail relatifs aux négociations obligatoires d’entreprise et de branche sont réécrits par les ordonnances selon le triptyque Ordre public – Champ de la négociation collective – Dispositions supplétives.

NB : Il n’est question dans cette fiche que des négociations obligatoires et non de l’ensemble des négociations pouvant être menées dans les entreprises comme dans les branches.

La négociation obligatoire d’entreprise

Négociation d'ordre public

* Négociation au moins une fois tous les 4 ans sur :

  • La rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée
  • L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
  • Et pour les entreprises de 300 salariés et plus : la GPEC

* En l’absence d’accord égalité professionnelle, obligation d’établir un plan d’action annuel, déposé auprès de la Direccte, comportant des objectifs de progression, des actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et l’évaluation de leur coût, et diffusé sous forme de synthèse auprès des salariés (Cf. Décret n° 2017-1703 du 15/12/2017).

* En l’absence d’accord sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les sexes, cette question est à nouveau abordée lors des négociations sur les salaires ainsi que celle relative aux différences de déroulement de carrière entre hommes et femmes.

* Interdiction pour l’employeur de prendre des décisions unilatérales sur les sujets en cours de négociation sauf si l’urgence le justifie.

* Etablissement d’un PV de désaccord en cas d’échec de la négociation mentionnant les propositions respectives des parties ainsi que les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement.

* Etablissement d’un PV d’ouverture de la négociation sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes consignant les propositions respectives des parties.

* Sanction applicable en l’absence d’ouverture de négociation sur les salaires : pénalité calculée comme auparavant (Cf. Décret n° 2017-1703 du 15/12/2017).

* Sanction applicable en l’absence d’accord ou de plan d’action sur l’égalité professionnelle : pénalité fixée par la Direccte dans la limite de 1% au maximum des rémunérations ou gains, applicable seulement dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Champ de la négociation collective

* Possibilité de négocier un accord de groupe, d’entreprise ou d’établissement d’une durée maximum de 4 ans.

* Thèmes de la négociation sous réserve que tous les thèmes obligatoires soient négociés au moins une fois tous les 4 ans.

* Périodicité de la négociation et contenu de chaque thème.

* Calendrier et lieux des réunions.

* Informations remises par l’employeur et date de leur remise.

* Modalités de suivi des engagements souscrits.

Dispositions supplétives

* Négociation annuelle obligatoire sur les thèmes de la rémunération, du temps de travail, du partage de la valeur ajoutée et sur le thème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

* Négociation triennale obligatoire sur le thème de la GPEC.

* Les dispositions antérieures à l’ordonnance relatives au contenu de ces négociations s’appliquent en l’absence d’accord sous réserve de quelques modifications :

  • Suppression de l’obligation de prendre en compte l’objectif d’égalité professionnelle pour toutes les négociations obligatoires
  • Même les entreprises non couvertes par un accord ou un plan d’action peuvent modifier la périodicité de la négociation sur l’égalité professionnelle
  • Ajout d’un thème sur la mobilité professionnelle et géographique interne à l’entreprise dans la négociation sur la GPEC
  • Suppression de la négociation sur le contrat de génération remplacée par un thème sur l’insertion des jeunes et l’emploi et les conditions de travail des salariés âgés dans la négociation sur la GPEC.

Textes de référence dans le Code du travail : L. 2242-1 à L. 2242-9 (Ordre public) – L. 2242-10 à L. 2242-12 (Champ de la négociation collective) – L. 2242-13 à L. 2242-21 (Dispositions supplétives).

La négociation obligatoire de branche

Négociation d'ordre public

* Engagement sérieux et loyal des négociations (transmission des informations nécessaires aux organisations syndicales et réponses motivées à leurs propositions)

* Négociation au moins une fois tous les 4 ans sur :

  • Les salaires
  • L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
  • Les conditions de travail, la GPEC, la prise en compte des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels
  • L’insertion professionnelle et l’emploi des travailleurs handicapés
  • La formation professionnelle

* Négociation au moins une fois tous les 5 ans sur :

  • Les classifications
  • L’épargne salariale
  • Négociation sur l’organisation du travail à temps partiel lorsqu’au moins un tiers de l’effectif de la branche occupe un emploi à temps partiel.

Champ de la négociation collective

* Thèmes des négociations et leur périodicité

* Contenu de chaque thème de négociation

* Calendrier et lieux des réunions

* Informations remises aux organisations syndicales et date de leur remise

* Modalités de suivi des engagements souscrits

Dispositions supplétives

* Négociation annuelle sur les salaires

* Négociation triennale sur l’égalité professionnelle, les conditions de travail, la GPEC, l’exposition aux facteurs de risques professionnels, les travailleurs handicapés, la formation professionnelle

* Négociation quinquennale sur les classifications et l’épargne salariale

* Négociation sur le temps partiel pour les branches dont au moins un tiers de l’effectif occupe un emploi à temps partiel

* Les dispositions antérieures à l’ordonnance relatives au contenu de ces négociations s’appliquent en l’absence d’accord sauf concernant le contrat de génération abrogé.

Textes de référence dans le Code du travail : L. 2241-1 à L. 2241-3 (Ordre public) – L. 2241-4 à L. 2241-6 (Champ de la négociation collective) – L. 2241-7 à L. 2241-19 (Dispositions supplétives).

Questions / Réponses

Quelles sont les entreprises soumises aux négociations obligatoires ?

La négociation obligatoire ne concerne que les entreprises dans lesquelles est constituée au moins une section syndicale. Concernant la négociation sur la GPEC, elle est restreinte aux entreprises d’au moins 300 salariés

Les organisations syndicales peuvent-elles s’appuyer sur la base de données économiques et sociales (BDES) pour la négociation obligatoire ?

Oui, la négociation obligatoire est fondée sur les documents issus de la BDES dont l’accès est ouvert aux délégués syndicaux.

Qui négocie les négociations annuelles obligatoires ?

Ce sont les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. La délégation de chacune de ces OSR comprend le délégué syndical (ou en cas de pluralité de délégués, au moins deux délégués syndicaux). De plus, chaque OSR peut compléter sa délégation par des salariés de l’entreprise, dont le nombre est fixé par accord (à défaut d’accord, ce nombre est de deux pour les entreprises n’ayant qu’un seul délégué syndical, et pour les autres, ce nombre est au plus égal au nombre de délégués syndicaux par OSR).

Les organisations syndicales disposent-elles d’heures de délégation pour négocier ?

Le temps passé aux réunions de négociation est considéré comme du temps de travail et payé à échéance normale. Par ailleurs, pour préparer ces négociations, chaque section syndicale dispose d’un crédit global annuel (à répartir entre les négociateurs) de 12 heures par an dans les entreprises d’au moins 500 salariés et de 18 heures par an dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés. Par contre, dans les entreprises de moins de 500 salariés, rien n’est prévu. Les organisations syndicales ont donc tout intérêt à négocier un crédit d’heures supplémentaires pour pouvoir préparer correctement ces négociations.

Les organisations syndicales peuvent-elles recourir à un expert pour préparer la négociation ?

Mis à part la possibilité de recourir à un expert technique pour le CSE dans les entreprises d’au moins 300 salariés pour préparer la négociation égalité professionnelle, aucun droit n’est prévu à ce sujet mais il peut être négocié dans un accord. Les organisations syndicales ont intérêt à avoir une approche globale entre les informations consultations récurrentes du Comité social et économique (dont l’organisation est elle aussi modifiée par les ordonnances, voir fiche 7), qui ouvrent droit à l’expertise, et l’organisation des négociations obligatoires, notamment pour exploiter au mieux les informations et analyses développées aux différentes niveaux (BDES, documents transmis au CSE et ses avis motivés, rapports d’expertise demandés par le CSE).

Si un accord est signé au niveau du groupe sur les thèmes de la négociation obligatoire, les entreprises appartenant à ce groupe doivent-elle engager des négociations ?

Non, depuis la loi Travail de 2016, l’ensemble des négociations prévues par le Code du travail engagées et conclues au niveau du groupe, y compris celles relatives à la négociation obligatoire, par exemple celles sur les salaires, dispensent les entreprises appartenant à ce groupe d’engager elles-mêmes ces négociations.

Si un accord prévoit une périodicité supérieure à un an pour la négociation sur les salaires, une organisation syndicale peut-elle demander d’ouvrir à nouveau la négociation avant l’échéance de l’accord ?

Non, ce droit est supprimé par l’ordonnance. Jusqu’à présent, si un accord prévoyait l’allongement de la périodicité de la négociation sur les salaires au-delà de l’année, l’employeur était obligée d’ouvrir à nouveau la négociation si une organisation syndicale le demandait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, donc si un accord porte à 4 ans la négociation sur les salaires, il n’y aura plus aucune obligation pour l’employeur de rouvrir le sujet avant cette échéance.

Quelles sont les règles de publicité des accords ?

Les accords devront être publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et signataires, l'anonymisation devient donc systématique et non plus facultative.

L'employeur aura la faculté, de son propre chef, d'occulter les éléments portant atteinte aux intérêts stratégiques de l'entreprise contenus dans l'accord publié.

Les accords portant sur un PSE, les accords de performance collective et les accords relatifs à l'épargne salariale (intéressement, participation, plans d'épargne entreprise, interentreprises ou pour la retraite collectifs) ne seront plus soumis à l'obligation de publication.

Quels est le délai pour statuer sur une action de nullité d'un accord ?

Il sera fixé un délai maximal de 6 mois au juge du tribunal de Grande Instance pour statuer sur une action en nullité d'un accord collectif.