28. L’accord de rupture conventionnelle collective et le congé de mobilité



Deux nouveaux dispositifs visent à favoriser les ruptures du contrat de travail individuelles d’un commun accord via le cadre d’un accord collectif majoritaire, sans que l’employeur n’ait besoin de justifier d’un motif économique.

* La rupture conventionnelle collective définit un cadre juridique spécifique pour les départs volontaires, différent de celui utilisé aujourd’hui par les plans de départs volontaires dans le cadre de PSE. Elle est mise en place via un accord d’entreprise spécifique et exclut tout licenciement.

* Le nouveau congé de mobilité se situe hors de tout cadre de PSE et il constitue un nouveau dispositif collectif de rupture du contrat de travail. Il existait sous une autre forme depuis 2006 dans le Code du travail et pouvait être prévu dans le cadre d’un accord de GPEC.

Rupture conventionnelle dans le cadre d’un accord collectif

Ce dispositif permet de supprimer des emplois dans le cadre de départs volontaires, en excluant tout licenciement, elle ne peut donc être imposée par l’une ou par l’autre des parties.

Cet accord prend la forme d’une convention individuelle de rupture. Les 2 parties peuvent exercer un droit de rétractation dans des conditions et délai fixés par l’accord collectif.

Un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective pour atteindre des objectifs de suppression d’emplois. L’accord détermine :

* Les modalités et conditions d’information du Comité Social et Economique

* Le nombre maximal de départs envisagé et de suppressions d’emplois associées. La durée de mise en œuvre des ruptures conventionnelles collectives

* Les conditions que doit remplir le salarié, obligatoirement volontaire, pour en bénéficier et les critères de départage entre les potentiels candidats au départ

* Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement

* Les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ, comprenant les conditions de l’accord écrit du salarié

* Des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents : actions de formation, de validation des acquis de l’expérience, de reconversion. Actions de soutien à la création ou à la reprise d’entreprises

* Le projet de loi de ratification envisage une disposition qui obligerait à prévoir un dispositif d’accompagnement des salariés

* Les modalités de suivi de la mise en œuvre de l’accord (notamment par le CSE)

La Direccte est informée de l’ouverture d’une négociation, puis l’accord lui est transmis pour validation de conformité et de régularité de la procédure (équivaut à une homologation).

L'absence de réponse du directeur de la Direccte dans le délai de 15 jours vaut validation tacite. En cas de refus de validation de l'accord par l'autorité administrative, l'employeur pourra formuler une nouvelle demande en tenant compte des motifs de refus, mais après avoir, obligatoirement, rouvert une négociation.

Adresse à laquelle doit être envoyé la demande avec les pièces afférentes : https://www.portailpse-rcc.emploi.gouv.fr

La rupture du contrat de travail a alors la qualification juridique « d’un commun accord entre les parties » (ils ne peuvent être imposés ni aux salariés ni à l'employeur).

Les salariés protégés peuvent bénéficier du plan de départ volontaire. Mais s'agissant de salariés protégés, la rupture du contrat de travail est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail, comme c'est le cas lorsqu'il s'agit d'un licenciement ou d'une rupture conventionnelle individuelle. La rupture ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation par l'inspecteur du travail.

Suivi de la mise en œuvre du plan de départ volontaire

La mise en œuvre du plan fait l'objet d'un suivi auquel sont associés le CSE et l'autorité administrative. Le comité est régulièrement consulté sur la base d'informations détaillées. Ses avis sont ensuite transmis à la Direccte à laquelle doit également être adressé par voie dématérialisée le bilan, établi par l'employeur, de la mise en œuvre du plan de départ volontaire.

Ce bilan doit être transmis au plus tard un mois après la fin de la mise en œuvre des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents (action de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés).

Contribution à la revitalisation des bassins d'emploi

Lorsque les suppressions d’emplois affectent l’équilibre du ou des bassins de l’emploi dans lesquels ils sont implantés, les entreprises doivent signer une convention avec l’Administration dans les 6 mois à compter de la validation de l’accord. Cette convention prévoit notamment une contribution versée par l’entreprise afin de financer des actions de revitalisation des bassins d’emploi concernés. Cette dernière obligation concerne les grandes entreprises d’au moins 1000 salariés, ainsi que les entreprises appartenant à un groupe ou à un groupe d'entreprises de dimension communautaire.

Entrée en vigueur

23 décembre 2017

Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, art. 10, 11, 12, 13 et 40

Décret n° 2017-1723 du 20 décembre 2017 relatif à l’autorité administrative compétente pour valider l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective, Jo du 22

Décret n° 2017-1724 du 20 décembre 2017 relatif à la mise en œuvre des ruptures d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif, Jo du 22

Ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, art. 1, Jo du 21

Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, Jo du 31

Congé de mobilité

L’objectif du congé de mobilité est de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d’accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail.

Dans les entreprises (et groupes) de 300 salariés et plus, un accord de GPEC (ou un avenant à cet accord) peut inclure un congé de mobilité. L’acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte la rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties à l’issue du congé.

Le congé de mobilité permet d’accomplir, pendant son déroulement, des périodes de travail dans ou hors de l’entreprise. Si le salarié exerce un CDD hors de l’entreprise, le congé de mobilité est suspendu.

L’accord collectif détermine :

* La durée du congé de mobilité et le niveau de la rémunération ;

* L’allocation est au minimum égale au montant de l’allocation du congé de reclassement versée dans le cadre d’un PSE (65% minimum de la rémunération brute, sans être inférieure à 85% du SMIC). Dans la limite de 12 mois, comme cette dernière, elle est exonérée de cotisations sociales ;

* Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;

* Les modalités d’adhésion du salarié à la proposition de l’employeur ;

* L’organisation des périodes de travail, les modalités d’accompagnement, les actions de formation envisagées ;

* Les indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement pour motif économique (et non pas aux indemnités conventionnelles comme précédemment) ;

* Les conditions d’information des institutions représentatives du personnel.

Dans les ordonnances promulguées, l’accord n’aura pas à être validé par l’administration. Celle-ci sera simplement informée de chaque rupture de contrat. Le projet de loi de ratification envisage un contrôle de la Direccte étendu au contenu des mesures d’accompagnement.

* L’organisation des périodes de travail, les modalités d’accompagnement, les actions de formation envisagées ;

* Les indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement pour motif économique (et non pas aux indemnités conventionnelles comme précédemment) ;

* Les conditions d’information des institutions représentatives du personnel.

L’employeur transmet, tous les 6 mois à compter du dépôt de l'accord, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) un document d'information sur les ruptures prononcées dans le cadre du congé de mobilité fixé par arrêté.

Le document précise notamment :

* Le nombre de ruptures de contrat de travail intervenues à la suite d'un congé de mobilité ;

* Les mesures de reclassement mises en place dans le cadre de ce congé telles que les actions de formation, les périodes de travail en entreprise et les mesures d'accompagnement ;

* La situation des salariés au regard de l'emploi à l'issue du congé de mobilité.

Entrée en vigueur

Ces dispositions entrent en vigueur le 23 décembre 2017.

Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, art. 10

Décret n° 2017-1724 du 20 décembre 2017 relatif à la mise en œuvre des ruptures d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif, Jo du 22

Questions / Réponses

Quelle est la situation du salarié à l'issue du congé de mobilité ?

A la fin du congé de mobilité, le contrat de travail du salarié est rompu. A ce titre, il perçoit une indemnité de rupture. Le montant de cette indemnité doit être prévue par les dispositions de l'accord GPEC. Elle ne peut pas être inférieure à l'indemnité légale due en cas de licenciement pour motif économique.

Si à l'issue de son congé de mobilité, le salarié se trouve sans emploi, il a droit aux prestations d'assurance chômage dans les conditions de droit commun. Cependant il ne bénéficiera pas des dispositions plus favorables réservées aux salariés licenciés pour motif économique tels que l'application d'un différé spécifique d'indemnisation réduit.

A noter que le différé spécifique est un délai d'attente de 150 jours maximum, entre l'inscription comme demandeur d'emploi et le versement des allocations

Quelles différences entre le nouveau congé de mobilité et la mobilité volontaire sécurisée prévue par la Loi de Sécurisation de l’Emploi de 2013 ?

La mobilité volontaire sécurisée, créée en 2013, est un dispositif individuel, qui donne le droit au salarié au retour dans l’entreprise s’il le souhaite. Ce droit au retour, à moins que l’accord collectif ne le prévoie expressément, n’existe pas dans le congé de mobilité.

Dans le premier cas, la rupture éventuelle constitue une démission. Dans le second cas, c’est une rupture « d’un commun accord », avec des indemnités au moins équivalentes à celles prévues pour un licenciement économique.

Quel sera le régime fiscal et social des indemnités versées ?

De façon à ce que ces dispositifs soient sur le plan fiscal et social équivalents aux indemnités versées dans le cadre de PSE, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale 2018 ont aligné le régime d’exonération de cotisations sociales et d’impôts sur celui des indemnités versées dans le cadre des PSE : défiscalisation totale des indemnités de rupture et exonération de cotisations sociales dans la limite de deux fois le plafond annuel de sécurité sociale. Le régime fiscal et social est ainsi plus favorable que celui de la rupture conventionnelle dans un cadre individuel.

Les procédures font-elles l’objet d’une consultation du comité social et économique ?

Les ordonnances ne prévoient qu’une simple information du CSE pour la mise en place d’un dispositif de rupture conventionnelle collective ou d’un congé de mobilité. C’est seulement une fois la rupture conventionnelle collective mise en œuvre que le CSE vient à être informé et consulté : la consultation porte sur la mise en œuvre de l’accord, et ses avis sont transmis à la DIRECCTE. L’ordonnance n’impose aucun suivi pour le congé de mobilité.

Toutefois dans la mesure où la réduction d’effectif permise par l’accord de rupture conventionnelle collective est en général liée à des réorganisations, le CSE sera consulté sur ces changements d’organisation, à la fois dans leur dimension économique et concernant les incidences sur les conditions de travail (Partie 2 du Code du travail). Les mêmes obligations existent si le congé de mobilité vient à concerner un nombre significatif de salariés.

Quels sont les droits du CE / du CSE ?

Ces deux dispositifs ont pour vocation à se substituer à la procédure de PSE, mais, comparé à cette procédure, les droits du CE sont très fortement réduits. La procédure d’information consultation prévue lors d’un PSE n’est plus obligatoire, de même que le droit de recourir à un expert-comptable ou à un expert santé au travail. Le CSE peut éventuellement décider de faire appel à une expertise ou un conseil, financé par ses soins (sur le budget de fonctionnement).

Quel est le calendrier de mise en œuvre de ces dispositifs ?

Le calendrier en tant que tel est extrêmement court. Au-delà du délai de négociation et de la signature de l’accord, sauf si celui-ci prévoit expressément une phase de dialogue et de consultation du CSE, l’accord s’applique d’emblée pour le congé de mobilité et après une simple réunion d’information du CE/du CSE pour la rupture conventionnelle collective.

Dans la mesure où les projets de réduction sont liés à des réorganisations, il convient de prendre en compte le délai de l’information-consultation du CE sur cette consultation (Cf. Fiche n°10).

Les dispositifs concernés doivent-ils s’appuyer sur des justifications économiques ?

La loi n’oblige pas à apporter une justification économique aux réductions d’effectifs gérées via des dispositifs de congés de mobilité ou de ruptures conventionnelles collectives. C’est une grave lacune car il est très important pour la réussite d’un plan de restructuration et pour le redressement d’une entreprise que les causes des difficultés et que les projets de l’entreprise soient exposés clairement, que les représentants du personnel aient la possibilité de challenger ces diagnostics et ces projets, et aient les moyens, notamment en termes d’information et d’accès à un expert, pour formuler éventuellement des propositions alternatives.

Quel est le délai de contestation ?

Les contestations relatives à la rupture du contrat doivent être formées avant l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la date de la rupture.

Les salariés peuvent-ils bénéficier de l'assurance chômage ?

Oui sous certaines conditions.