Les accords de performance collective



Les Accords de performance collective (APC) bousculent le dialogue social

Issus des ordonnances Macron de septembre 2017, les accords ne performance collective (APC) risquent de fleurir dans le paysage des restructurations post Covid. Il ne s’agit pas à proprement parler de nouveaux dispositifs, mais ils n’ont guère été utilisés jusqu’à présent par les entreprises : on en recense environ 350 depuis trois ans, pour 1000 plans de sauvegarde de l’emploi chaque année, soit près de neuf fois plus. « Les APC ont été peu utilisés car ils sont loin d’être adaptés à toutes les situations, observe Olivier Guillou, directeur-associé chez Secafi et spécialiste des restructurations. Les entreprises qui souhaitaient supprimer rapidement des postes préféraient passer par d’autres dispositifs, notamment les PSE ou les ruptures conventionnelles collectives. » Mais en quoi donc le contexte actuel change-t-il la donne et offre-t-il un espace inattendu à ces accords ? « La question principale qui se pose aujourd’hui pour les directions d’entreprise, c’est de comprendre si la crise économique qui démarre est structurelle ou conjoncturelle, estime Mathieu Vermel, directeur associé Secafi à Metz, spécialiste du secteur automobile. Si elle est structurelle avec des perspectives de baisse d’activité élevée, les entreprises vont se tourner vers des modalités qui rompent le contrat de travail, de manière à alléger leurs effectifs. En revanche, si elles jugent que la crise, bien que profonde, est conjoncturelle, elles vont devoir chercher à conserver compétences et savoir-faire, et donc à préserver au maximum le collectif de travail. Dans ce cadre, un accord de performance collective bien conçu peut être le moyen d’organiser la résilience de l’entreprise pour un temps donné. »

Si l’APC permet une adaptation, c’est qu’il touche aux éléments mêmes du contrat de travail et ce, sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un motif économique. Une possibilité totalement inédite, jamais offerte jusqu’alors en droit social, et qui est souvent perçue comme une pente dangereuse vers des modèles sociaux moins-disants. L’accord peut en effet porter sur trois éléments essentiels du contrat de travail : le temps de travail, la rémunération et la mobilité au sein de l’entreprise, géographique ou professionnelle. Une fois signé, il s’applique sans exception à l’ensemble des salariés, qui en cas de refus de la modification de leur contrat de travail (par exemple une baisse de rémunération de 10%, ou une augmentation de temps de travail) feront l’objet d’un licenciement individuel pour motif sui generis (motif de licenciement issu de la Loi travail de 2016, qui n’est ni personnel ni économique), et ce quel que soit leur nombre. Un licenciement avec des conditions moins favorables qu’un licenciement économique dans le cadre d’un PSE : peu de mesures d’accompagnement, carence Assedic maximum de 150 jours maximum au lieu de 75, etc. L’APC ne serait-il donc au final qu’un PSE déguisé, avec beaucoup moins de moyens et d’obligations pour l’entreprise, qui précariserait encore plus les salariés sortants que les autres dispositifs ? « On ne peut pas exclure de rencontrer la tentation de certaines directions pour des accords dévoyés, observe Mathieu Vermel. Mais l’entreprise qui voudrait utiliser ainsi l’APC ne pourrait pas savoir a priori combien de personnes partent, ni dans quels services, alors que c’est en général l’objectif qu’elle poursuit et que d’autres dispositifs le lui permettent aisément. »

Car si l’APC peut faire sens dans certains cas, c’est aussi et avant tout car il s’agit d’un accord collectif… et donc, d’un terrain de négociation où tout est possible tant que le point final n’est pas posé. « Il faut absolument contextualiser l’accord, insiste Florence Krivine, directrice-associée chez Secafi et juriste. La loi a prévu un préambule, qui doit expliquer ce que l’entreprise veut faire, dans quelle stratégie elle s‘inscrit, ce que l’accord va éviter, ce qu’il va apporter. Ces éléments sont essentiels. Je préconise d’ailleurs de démarrer par un accord de méthode pour s’accorder en amont sur ce que l’on va négocier et de pas faire d’impasse. 

Accepter de s’engager dans une négociation, c’est donc d’abord partager un constat, un diagnostic sur l’entreprise dans son marché, ses perspectives, ses atouts, ses freins etc. et se donner de la visibilité. Si ce préalable n’est pas rempli, les représentants des salariés ne trouveront guère d’intérêt à la négociation et l’APC ne sera pas le bon outil pour que l’entreprise atteigne son objectif.

En revanche, si le diagnostic est partagé, il faut alors que les représentants du personnel se donnent les moyens de négocier au mieux, ce que le législateur a intégré puisqu’un accompagnement par un expert est possible, financé à 80% par l’entreprise et à 20% sur le budget de fonctionnement du CSE. « Il est important de réintroduire le maximum de collectif dans un APC, poursuit Florence Krivine. Il faut tendre à obtenir des mesures proches de celles d’un PSE comme l’équivalent d’un congé de reclassement pour tous les salariés qui partent, ou des aides à la mobilité si l’accord encadre une mobilité géographique. » Et le dernier volet à négocier, ce sont les contreparties et l’équilibre des efforts entre les salariés et l’entreprise au sens large : dirigeants, actionnaires. Maintien de l’emploi, baisse de rémunération des dirigeants, suspension de dividendes, clauses de retour à meilleure fortune encadrée par des clauses de revoyure dans une commission de suivi, durée de l’accord… « Il ne faut pas hésiter à tout mettre sur la table, insiste Olivier Guillou. Les mesures et les contreparties seront évidemment très différentes suivant les entreprises, leur taille, leurs moyens, leurs pratiques. Mais il ne faut pas préjuger : des points d’équilibre peuvent être trouvés dans de nombreux cas. »

Source : Secafi

Pour en savoir plus, vous trouverez dans le lien ci-joint l'information du Ministère du Travail